Lettres d'Elisée

27 avril 2019

Cher toi qui lis,

J'étais fébrile quand j'ai partagé ma lettre il y a un an jour pour jour. J'avais envie d'exprimer ce qui comptait pour moi profondément mais j'avais peur du regard des autres... Je suis content de l'avoir fait.

J'ai reçu de beaux messages, d'encouragement, de sympathie, d'appréciation. J'ai même fait de belles rencontres et eu l'occasion d'entendre des histoires touchantes. Merci.

Alors que j'écris cette seconde lettre annuelle, cette inquiétude ressurgit. J'entends des mots durs, décourageants résonner dans mes pensées.

La meilleure chose que j'ai jamais faite je crois, ça a été de ne plus les laisser m'arrêter, et d'oser explorer ce qui me fait envie. Alors me revoilà, un an après cette première lettre, deux ans après ce nouveau départ qui s'est imposé, pour regarder le chemin parcouru et penser à ce qui vient.

En préparant ces mots,

je me suis replongé dans les traces de ces 12 mois écoulés, entre calendrier et photos. Que d'aventures ! Franchement, je suis un peu épuisé haha. Au long de l'année j'ai eu la chance de faire de beaux voyages dans pas mal d'endroits, seul ou avec des amis : l'Italie, Copenhague, Nîmes, Annecy, la Roumanie, Luxembourg, Paris, Lyon, Châtel, et le Japon...

En Mai j'ai emménagé en coloc à Strasbourg. Ca m'a aidé à commencer un nouveau chapitre. Je me sens mieux dans ce nouvel environnement, près de la ville, à quelques minutes d'une sortie, d'un verre, d'une visite.

J'ai aussi participé à l'organisation et l'animation de quelques soirées pour le festival Pint of Science. Je me souviens que c'était un vrai plaisir d'être au micro le dernier soir et d'intéragir avec l'audience.

J'ai toujours aimé être sur scène,

mais j'avais beaucoup le trac. Une fois quand j'étais adolescent, j'ai joué le rôle principal dans un sketch devant une église pleine. Malgré l'estomac noué, c'était vraiment fun.

En Juillet, je me suis inscrit à un stage de théâtre au cours Simon. C'était une semaine avec beaucoup d'inconfort, mais si forte. On est partis de rien, et sous la direction bienveillante et les mots justes de notre prof Christine, on a appris à faire le vide, à s'installer dans un sentiment, à se mettre en mouvement.

On a appris à rire — il faut s'imaginer vingt personnes en cercle qui apprennent à rire sur commande ensemble alors qu'elles ne se connaissent que depuis quelques heures. On a appris à pleurer (ça commence comme le rire, puis on change d'émotion. Magique.).

Après une variété d'exercices, à la fin de la semaine, on a improvisé des déclarations d'amour les uns avec les autres ! Je revois encore certaines des scènes qui ont vraiment fonctionné, émouvantes, pleines de longues pauses et d'émotions qui chantent...

Quand je suis retourné visiter mon père fin Juin,

il m'a dit que pour mon anniversaire, il me donnait carte blanche pour organiser quelque chose qu'on ferait ensemble. Il m'est tout de suite venu une idée, mais il m'a fallu un bon mois pour qu'elle mûrisse... Je voulais qu'on fasse un vol en parapente !

Je me souviens qu'étant petit, j'avais peur du service militaire, parce que je m'imaginais être assigné à l'armée de l'air et devoir sauter en parachute. Plus récemment, il y a quelques années, j'étais en larmes lors de mon premier vol en avion[1].

Et donc j'avais une trouille intense (mais pas mal d'excitation, aussi) le 20 août, quand on est montés dans la camionnette qui nous emmenait jusqu'au sommet de la montagne au-dessus du lac d'Annecy. J'attendais là, au bord de la falaise, pendant que mon moniteur-binôme déployait l'aile sur l'herbe...

On s'est attachés. Il m'a dit de courir alors j'ai couru dans la pente, comme j'ai pu, la respiration bloquée.

"Reste debout, reste debout".

Et puis d'un coup, j'étais assis dans le ciel. Incroyable.

Pendant l'été,

avec mes cousins Elias et Joël (et un peu d'aide des tontons), on a construit un énorme véhicule pour la première course de caisses à savon de Riedseltz.

Joël a récupéré l'essieu avant et la direction d'une tondeuse autoportée trouvée sur LeBonCoin, qu'on a combiné avec l'essieu arrière d'une vieille remorque généreusement donnée par un arrière-cousin, et une grande caisse en bois dans laquelle on a installé trois vieilles chaises après avoir scié leurs pieds. Ensuite, il s'agissait d'habiller le tout pour en faire un drakkar. Elias a construit la tête de proue pendant que je réalisais les boucliers et Joël les rames.

J'étais heureux de partager ces quelques journées avec mes cousins et nous étions fiers du résultat. On a fini sur une belle journée de course (et un article dans les DNA, s'il vous plait).

En début d'année dernière,

j'avais participé à un atelier d'écriture. J'y ai rencontré Margaux, qui a une jolie plume et beaucoup d'humour. Au milieu de l'été, elle m'a contacté pour parler d'un voyage entre jeunes européens autour des droits LGBT+ pour lequel elle cherchait des participants. J'étais curieux, alors j'ai dit oui.

Début Septembre j'étais donc en route pour une semaine en Roumanie avec une quarantaine de jeunes. Arrivés en Serbie après un départ à 4h du matin, notre petit groupe se retrouve dans une voiture direction la campagne roumaine, avec un conducteur sans ceinture qui ne parle pas anglais. Quand il n'est pas au téléphone, il dépasse des voitures à toute allure sur des routes étroites... Nous arrivons sur place tard dans la nuit. Je me demande un peu dans quoi je me suis embarqué.

Nous sommes bien accueillis, et nous faisons connaissance. Les journées sont remplies entre ateliers et jeux. La semaine est intense et parfois difficile avec ce grand groupe. Mais c'est aussi enrichissant de rencontrer des gens de plein d'horizons différents avec chacun son parcours. Et la bienveillance l'emporte. Ca m'a rappelé des camps de vacances. Le soir, on partage de belles discussions autour du feu. J'ai lu des poèmes français en anglais à une allemande haha. J'ai appris (et aussitôt oublié) l'une ou l'autre danse locale.

Au retour, on s'est beaucoup revus avec Margaux et on a passé quelques mois ensemble par la suite. Elle m'a montré les bases de l'ukulélé, on a vu plein de beaux films, on a écrit des poèmes, on a discuté jusqu'au matin... C'était chouette. :)

Fort de mon expérience de Juillet,

je me suis inscrit à un cours de théâtre improvisé où je me régale chaque semaine. C'est pas facile mais c'est très épanouissant d'apprendre à jouer ensemble avec écoute et spontanéité.

En Novembre, après avoir perdu un match de quidditch, j'étais à Paris pour assister à la Veillée, une soirée où quelques personnes viennent raconter des tranches de vie extraordinaires. Au milieu, on a tous chanté Don't Stop Me Now ensemble, accompagné par une guitare. Il y avait une sorte de ferveur dans la salle, c'était beau. J'aimerais bien organiser quelque chose comme ça à Strasbourg un jour...

J'ai partagé une petite croisière sur le Rhin avec ma mère. J'ai sérieusement fait baisser la moyenne d'âge sur le bâteau :). Ca m'a fait plaisir qu'on passe ce temps ensemble. A table, on a rencontré un ancien parlementaire qui avait des histoires inspirantes d'engagement citoyen et associatif.

A la fin de l'année, nous avons enfin révélé le jeu sur lequel nous travaillons depuis plusieurs années chez Hypixel Studios. Ca a fait des belles vagues (et un second article dans les DNA, eh ouais).

Je suis reconnaissant

pour toutes ces aventures et d'autres encore. Je me rappelle que pour qu'elles aient lieu, il a fallu y aller, dire souvent oui aux envies derrière mes craintes. Et souvent, c'était vraiment bien[2]. Ca me fait du bien de le garder en tête.

Et c'est bon de réaliser que plein de gens décident d'agir en amis quand ils croisent un inconnu en chemin. J'essaie d'agir en ami à mon tour. J'ai compris que cette part là ne tient qu'à moi.

Evidemment il n'y a pas de photos—ou d'évènements sur le calendrier—pour les heures et jours passés à me battre avec mes démons. C'est un peu plus abstrait et difficile à raconter.

Parfois je me retrouve encore emprisonné, pétrifié à l'idée de ce que j'ai perdu, et plein de colère. Ou frustré et terrifié par mes limites. Ou jaloux de ce que je n'ai pas, malgré tout ce que j'ai. Dans ces moments, ça tourne et ça tourne en boucle dans ma tête. Mais aussi souvent que ça vient, ça passe de nouveau. Je respire. Je vais me balader. Je parle à un ami. Je réapprends encore une fois à lâcher, à accepter les remous, et à chercher la paix dans la tempête présente.

C'est pas simple de trouver des équilibres. Chérir le passé sans y rester, s'affirmer sans écraser les autres, avoir de l'ambition sans vivre dans l'attente... Et avoir la foi que demain sera beau d'une façon ou d'une autre, sans savoir comment. Combien de moments d'angoisse je pourrais m'épargner si au lieu de m'inquiéter, je me laissais juste surprendre... Je vais continuer d'essayer !

Merci d'avoir lu.

Si vous avez envie, vous pouvez m'écrire. Racontez-moi quelque chose, dites-moi ce que vous avez sur le coeur, ou faites juste coucou. Ca me fait plaisir de recevoir du courrier :)

Plein de bisous. A l'année prochaine !

— Elisée

[1] Depuis ça va beaucoup mieux, je sue juste intensément au décollage, à l'attérissage, et à la moindre secousse haha.

[2] Mais pas la fois où mon sac s'est pris dans la roue avant de mon vélo et que je suis passé par dessus. 3/10, à ne pas refaire.