Lettres d'Elisée

27 avril 2024

Cher ami !

Je t'écris pour la septième fois cette année, avec quelques mois de retard. Le quotidien a bien changé depuis ces premières années où je trouvais facilement des journées entières pour m'assoir et écrire au cours du mois d'avril... Merci pour ta patience et ton intérêt.

Alors que l'été est bien entamé, je me réjouis de replonger enfin dans l'année passée, et de te raconter quelques unes des aventures qui m'ont été données de vivre. Ça tombe bien, je sais exactement par où commencer...

Nous sommes en mai 2023. Il y a quelques jours, j'ai appelé le père d'Elinor pour lui demander la main de sa fille ! Nous avons eu une belle discussion — j'étais un peu nerveux, mais pas inquiet — et les Griffins m'ont donné leur accord enthousiaste.

Elinor est au courant, nous parlons d'un futur mariage depuis quelques temps. Notre chère amie Whitney l'a même déjà emmenée dans une bijouterie pour connaître sa taille de bague. Ce qu'elle ne sait pas, c'est que l'opportunité parfaite pour une demande en mariage ambitieuse vient de se présenter.


Les machinations commencent le 13 mai 2023.

Dans quelques semaines, Elinor part pour la Caroline du Nord pour une conférence. Officiellement, on a décidé que c'était plus simple que je reste en France puisque que j'enseigne le FLE au café jusqu'à la fin du trimestre... Mais en réalité, mes collègues professeurs ont déjà accepté de me remplacer pour que je puisse la rejoindre là-bas en surprise.

La possibilité est là, maintenant, il faut concrétiser. Je formule un plan et je le présente par message à ma future belle-famille aux États-Unis. Tout le monde est partant pour aider et les suggestions fusent. Chouette ! L'idée, c'est qu'on se retrouve à Pretty Place, un lieu magnifique que ma chérie affectionne particulièrement, avec une chapelle ouverte sur les montagnes.

Pendant que Kelley, Laura & John et Sharon & David s'organisent autour du planning de notre victime sur l'autre continent, je m'affaire aux préparatifs de mon côté. J'avais commandé une bague il y a une dizaine de jours, sans savoir quand exactement elle servirait. Mais maintenant, le compte à rebours est lancé ! Je contacte le vendeur pour avoir une date estimée pour la livraison...

Un autre challenge se présente : Elinor a déjà pris ses billets d'avion. Comment s'assurer que nous serons assis côte-à-côte au retour, fraîchement fiancés ? Si je m'intéresse de trop près à son numéro de vol ou, pire encore, de siège, elle va se douter que quelque chose se trame...

Machiavélique, je profite d'un moment de rush lors de son service au café pour feindre un vague problème de compatibilité avec mon téléphone et lui demander le sien. Elle me le donne entre deux clients, distraite. Je m'éloigne l'air de rien, et je m'installe à l'arrière. Mon rythme cardiaque s'accélère, il faut faire vite ! Je cherche les infos, tout en gardant un œil sur la porte. Je prends quelques photos mais elles sont floues. Je recommence... Ca y est !

Mon espionnage accompli, je ferme tout et je lui rends son téléphone. Le café est redevenu calme. ‟Est-ce que tu as pu régler ton problème ?” ‟Oui, oh tu sais, la technologie...” 😏

La date du départ se rapproche.

Dans ma chambre à la coloc, après avoir rassemblé les fournitures nécessaires aux quatre coins de Strasbourg, je m'attèle à construire une petite boîte pour contenir la bague qui, bonne nouvelle, arrivera dans les temps. J'aime tellement travailler avec mes mains, et je profite de ces moments pour contempler avec gratitude ce qui se prépare.

Côté vol, impossible de sélectionner le siège souhaité sur l'appli. J'appelle la compagnie aérienne en expliquant la situation, et après quelques péripéties, soulagement ! L'opérateur sympathique me garantit une place retour aux côtés de ma future femme.

Jusque là, il semble qu'Elinor ne se doute de rien. Sa sœur Laura lui a proposé d'aller ensemble à Pretty Place en fin de semaine après la conférence... Une chouette idée dont elle se réjouit ! On se dit au revoir, j'essaie de ne pas avoir l'air trop excité. Tu vas me manquer... mais pas pour très longtemps.

Mercredi 7 juin, je monte dans l'avion.

Au cours des prochaines 36 heures, mon smartphone est mon pire ennemi ! Elinor est partie deux jours plus tôt, je dois la convaincre que je suis encore à Strasbourg jusqu'au moment où j'apparaîtrai devant elle à Pretty Place.

Je désactive le partage GPS que nous utilisons au quotidien pour se retrouver facilement, en espérant qu'elle ne remarque rien. Je dois déplacer chaque photo que je prends dans un dossier non synchronisé. Dans l'avion, j'achète l'option wi-fi : je ne peux pas être hors ligne pendant une dizaine d'heures, ça risquerait de lui mettre la puce à l'oreille.

Pour éviter qu'elle ne m'appelle, je vais jusqu'à lui écrire que j'ai attrapé un rhume. Prise de compassion, la maline me vire une vingtaine d'euros pour que je me commande quelque chose à manger... Malheureusement il semble qu'Uber Eats ne livre pas à dix-mille mètres au-dessus de l'océan. 😂

Après une nuit dans un motel à l'aéroport, les parents d'Elinor, prétextant devoir arroser les fleurs à la maison, quittent la conférence et viennent me chercher. Je passerai la nuit chez eux avant le grand jour. Je suis décalé, un peu stressé, excité. Nous faisons un détour pour faire une course et, distrait, je prends une photo dans un magasin américain.

En arrivant à la maison, je réalise soudain que la photo que j'ai prise vient d'être synchronisée ! Je la supprime rapidement en espérant ne pas avoir gâché la surprise. Elinor me dira plus tard qu'elle avait reçu une notification, mais qu'en l'ouvrant, il n'y avait finalement rien, bizarre...

Ce soir-là, John, le mari de Laura et mon futur beau-frère, m'emmène dîner. C'est la première fois qu'on passe du temps seuls tous les deux. Je suis un peu intimidé mais j'apprécie sa compagnie. Il est posé, direct, presque tranchant mais plein d'humour, et sage comme quelqu'un qui a vécu assez pour connaître ses faiblesses. Je repense au chemin qui m'a amené à ce moment, incrédule.

Après une courte nuit, c'est le jour J.

Laura est à la conférence pour aller chercher Elinor avec mes futurs neveu et nièce, Caleb et Anna Davis, qui n'ont pas idée de ce qui se trame, de peur que leurs bouches d'enfants ne trahissent le secret sur le trajet jusqu'à Pretty Place. 🤫

Kelley a fait le voyage depuis Washington DC pour participer à la surprise. Nous allons acheter des ballons et des fleurs. Elle prend beaucoup de plaisir à célébrer chacun, et elle le fait bien.

Lorsque tout est prêt, nous prenons la route vers les montagnes. Arrivés sur place, nous faisons le tour des lieux à la recherche du meilleur endroit pour poser un genou à terre. Il y a plus de monde que j'imaginais et je ne suis pas sûr de comment faire ma demande. Nous attendons des nouvelles par message. Les minutes sont longues. J'espère qu'elle va apprécier la surprise... Comment va-t-elle réagir ? Est-ce que c'est pas un peu fou quand même ? J'ai peur. J'ai hâte.


Les voilà ! Ils arrivent !

Vite, je monte les marches, Kelley s'installe pour prendre les photos et le reste de la famille se cache. Un groupe de visiteurs vient d'entrer, nous leur expliquons ce qui se prépare et ils acceptent généreusement de laisser libre l'avant de la chapelle.

‟Hi.” — ‟... Hi! You're here?!” Nous échangeons un grand sourire mêlé d'incrédulité. Pendant une vingtaine de secondes, Elinor réinterprète les dernières semaines, puis nous nous embrassons.

On s'installe sur un banc un instant, le temps de reprendre chacun nos esprits. Quand le moment semble venu, je l'emmène devant, sous la croix, et je pose un genou à terre. De ma poche, je sors un petit sachet en papier vieux de quelques mois qu'elle reconnait tout de suite. Elle éclate de rire. Dessus est imprimé "Onion Rings — Ça ferait une très mauvaise demande en mariage". J'en sors la boîte que j'ai confectionnée.

Je suis impressionné. Par le moment, par les gens, par la famille. Par la femme qui se tient devant moi. La question sort comme un murmure. Elinor dit oui, et je lui passe la bague au doigt en ce 9 juin 2023 alors que notre audience improvisée applaudit. Quelle aventure !

Après quelques jours de repos et de fête, nous sommes rentrés en France au début de l'été.


À notre retour, nous avons du pain sur la planche !

Nous réfléchissons à la suite et décidons de nous marier en France plutôt qu'aux États-Unis, puisque c'est là que nous vivons actuellement. Si nous voulons nous marier cette année, il faudrait le faire avant la période de Noël. Sinon, ça sera pour le printemps prochain au retour des beaux jours... ce qui parait loin ! Nous faisons une première estimation du nombre d'invités et sélectionnons quelques dates potentielles. Sur cette base, nous contacterons diverses salles dans les alentours. Si l'une d'elles est encore disponible cette automne, super, sinon on attendra l'année prochaine.

À mesure que nous explorons le sujet, nous découvrons peu à peu la complexité d'organiser un mariage entre deux cultures. En France, les mariés ont un ou deux témoins chacun. Aux États-Unis, chacun a une série de bridesmaids ou de groomsmen. En France, les fêtes de mariage sont de longs banquets qui durent souvent jusqu'à tard dans la nuit, et les mariés sont les derniers à partir. Aux États-Unis, c'est bien plus court, et les mariés s'en vont en premier... Et ainsi de suite. Un fil à la fois, nous commençons à tricoter un savant mélange alors qu'une date se précise : nous allons nous marier le 21 octobre !!


Notre église propose aux futurs mariés de faire un parcours de préparation au mariage : c'est l'occasion de redécouvrir le mariage d'un point de vue théologique, et d'apprendre à mieux se comprendre soi-même et l'un l'autre dans divers domaines : de nos histoires familiales à notre compréhension des rôles dans le couple, de la gestion des finances à la sexualité en passant par la foi et la communication, ainsi que nos forces et faiblesses de caractère.

Dans un premier temps, cela commence par une série de rencontres en tête-à-tête que nous aurons chacun préparées individuellement, pour échanger, comparer, avouer, reconnaître, comprendre. Elles ponctuent notre été pendant que nous avançons sur les préparatifs plus pratiques de la fête. C'est d'un côté excitant et amusant d'explorer tous ces sujets, et d'un autre côté difficile de faire face à tous ces différences ou sensibilités.

Dans un second temps, nous avons la joie d'être accompagnés en débriefing par nos amis Justin et Jenna lors de plusieurs soirées. Ils nous partagent leurs expériences personnelles et pastorales du mariage, nous aident à repérer nos fuites et nos craintes, et à créer des ponts. Ce sont de beaux moments avec autant d'éclats de rire que de larmes.

C'est précieux d'être entourés d'une église, d'avoir des gens qui prient, se réjouissent et veillent pour nous.


Alors que la rentrée arrive, nous sommes tendus.

Nous avons dit au revoir à notre amie Céline, la colocatrice d'Elinor depuis son arrivée en France, et Elinor a emménagé chez Whitney jusqu'au mariage. La liste des préparatifs pour le jour J n'en finit pas de s'allonger et on a beau avancer, très peu d'items sont définitivement bouclés.

L'été a été intense, notre relation a été mise à l'épreuve par nos limites et nos fragilités face à l'ampleur de la tâche et l'étendue de nos différences. Est-ce que c'était une erreur de vouloir organiser un mariage en quatre mois ? Les invitations ne sont toujours pas envoyées. On se réjouit ou on désespère selon les jours.

L'année scolaire commence. Après discussion avec l'équipe de notre café associatif, je m'étais engagé pour la rentrée sur 4 jours par semaine. L'idée est de continuer à enseigner le français, mais aussi d'être barista et serveur sur quelques crénaux chaque semaine, gérer diverses tâches administratives et faire de l'accompagnement en un-à-un. Afin de pouvoir financer ce temps, j'allais devoir chercher du soutien financier.

En plus de mon travail au café, de ma recherche de financement et de mon activité informatique, j'ai accepté d'être trésorier d'une association et choisi d'être co-leader de groupe de maison et animateur à l'église... Un emploi du temps qui sera bien trop chargé, avec le recul.

Les difficultés s'enchaînent durant le mois de septembre.

Un soir, Elinor m'appelle quelques minutes après avoir quitté la coloc. En rentrant chez elle à vélo, elle a percuté un poteau et fait une chute qui aurait pu être grave. Je cours à sa rencontre. Dieu merci, après une nuit douloureuse, elle s'en sort avec seulement quelques bleus et égratinures.

Pendant sa visite chez le médecin le lendemain, comme les papiers nécessaires pour le mariage civil tardent à arriver depuis les Etats-Unis, je finis par appeler la mairie pour confirmer que nous sommes encore dans les temps, n'ayant pas reçu de date limite précise. La dame m'indique que nous avons déjà une semaine de retard et qu'à ce stade, nous allons devoir choisir une nouvelle date ou chercher une autre mairie ! Je suis abasourdi.

Comme la famille d'Elinor habite si loin, le mariage civil (qui doit légalement avoir lieu en premier) est prévu le jour avant le mariage à l'église et la grande fête, et nous n'avons donc pas de flexibilité dans la date. Dans l'urgence, j'appelle Elinor puis ma mère, nous rassemblons tous les documents que nous avons déjà et nous nous rendons dans la foulée à la mairie pour essayer de sauver notre mariage. La dame au guichet nous laisse dans le doute quelques minutes, puis finit par nous dire que ça devrait passer...

Quelques jours plus tard, nous apprenons que la mère d'Elinor a une appendicite, et au-delà de la maladie elle-même, vient se poser la question de savoir si elle pourra faire le voyage pour notre mariage. Elinor est très affectée et nous ne savons que faire sinon prier. Que d'inquiétudes !


Nous voilà fin septembre. Les invitations officielles sont parties tout juste un mois avant le grand jour. Les grands chantiers sont largement bouclés, il ne reste plus que quelques... dizaines de détails à orchestrer. Heureusement, amis et famille sont au rendez-vous pour nous soutenir et nous épauler.

Grâce aux recherches persistentes d'Elinor au cours du mois passé et après seulement trois visites, nous recevons les clés de notre futur appartement le matin juste avant mon enterrement de vie de garçon. C'est une journée fun d'activités organisée par mes témoins Jacques et Sébastien (avec un sacré coup de main de la part de Patti pour la déco), qui finit sur une soirée jeux de société et cocktails sur le thème de la prohibition.

Une semaine plus tard, nous fêtons les 30 ans d'Elinor avec l'aide à distance de Kelley qui a préparé et envoyé une party box spéciale pour l'occasion.


C'est la dernière ligne droite...

Whitney, qui a accepté le rôle de coordinatrice pour la journée du mariage, nous accueille dans son salon pour faire le point. Mes souvenirs sont flous mais je sais que nous étions à bout de force et que nous avions encore plein de choses à régler. Plus que dix jours...


Et puis, enfin, les festivités commencent !

La famille d'Elinor est arrivée. Nous sommes aussi prêts que nous le serons. La veille du mariage civil, notre chère amie Papry dessine un tatouage au henné pour Elinor et nous offre un ensemble de saris.

Le matin du 20 octobre, nous sommes accueillis joyeusement

dans la salle des mariages par le maire de Vendenheim, la ville où j'ai grandi. L'ambiance est légère et chaleureuse pendant la cérémonie civile, d'autant plus que les interventions du maire sont ponctuées par la traduction en direct que Whitney assure pour la moitié américaine de l'audience, quelque peu amusée et fascinée par le décorum républicain français.

Elinor a demandé à ses sœurs, Kelley et Laura, d'être ses témoins.

De mon côté, j'ai pensé à Jacques et à Sébastien, deux amis chers qui ont cheminé avec moi ces dernières années, chacun à leur manière. Merci les gars d'avoir accepté 😊

Jacques est un ami de longue date à l'esprit vif et drôle. Il est à la fois chaleureux et doux, d'une façon presque tâtonnante mais profondément attachante. On travaille tous les deux dans l'informatique mais ce n'est pas forcément un sujet majeur entre nous, on parle facilement de tout et de rien et je passe toujours un bon moment en sa compagnie. J'aime comme il écoute : il a une vraie curiosité qui creuse mais sans avoir besoin de convaincre ou d'être convaincu. Quand on échange, je trouve l'espace pour dire qui je suis, et la joie de rencontrer l'ami sincère qu'il est.

Sébastien et sa femme Patti sont des collègues d'Elinor, lui français et elle américaine, comme nous. Quand on s'est rencontrés, je crois qu'il était ravi de trouver un autre français proche pour discuter en profondeur, et j'étais heureux qu'il me partage son expérience d'être chrétien, mari et père de famille depuis quelques décennies. J'aime son caractère à la fois intense et léger : il lance des vérités immenses tantôt en éclatant de rire, tantôt dans un grand soupir d'humilité. On a vite connecté et on se voit régulièrement pour partager un repas et prier ensemble.

Ensemble, ils représentent aussi dans ce rôle deux aspects importants dans mon cœur : les amis avec qui j'ai grandis, et la famille de l'église.

Toutes les photos du mariage civil

La célébration du mariage civil terminée, nous sommes allés prendre quelques photos dans le village sous une fine pluie avec notre photographe Davey et sa femme Marissa, un couple d'amis venus des États-Unis.

Toutes les photos dans le village

Après un repas préparé avec soin par ma mère au foyer paroissial, nous prenons la route pour le Nord de l'Alsace pour préparer l'église et la salle des fêtes pour les festivités de demain.

Notre amie Zoé, fleuriste et décoratrice de mariage, est déjà sur place depuis le matin pour mettre en place lumières et bouquets, et elle continuera à travailler jusque tard dans la soirée. Famille, oncles, tantes et amis sont tous à l'oeuvre entre bar, apéritif, tables et couvert.

En fin d'après-midi, nous nous retrouvons à l'église du Geisberg

pour répéter le déroulé de la célébration. Située au sein d'une communauté mennonite à quelques minutes de la ferme familiale, c'est un bel endroit où nous avons fêté divers heureux évènements au cours des décennies passées. Quelle joie de connecter avec ces racines à cette occasion.

Au cours de l'été, nous avons passé de nombreuses heures à parcourir les pages du Livre de la Prière Commune pour créer une célébration qui rassemble deux pays, deux cultures, deux familles et deux langues. Notre pasteur Justin se prête gracieusement au jeu de jongler avec l'anglais et le français, et nous a aidé à construire la progression entre temps informels et solonnels.

La répétition se passe sans encombre sous la direction douce et précise de Whitney, mais je trouve difficile de m'imaginer ce que ça va donner demain alors qu'on est dans nos jeans et sweaters, sans musiciens, au milieu d'une église vide. Est-ce que ça tient la route ? C'est bien la première fois qu'on organise quelque chose comme ça... On verra !

Nous faisons un dernier passage à la salle des fêtes pour finaliser l'installation puis, la nuit tombée, nous rejoignons Kelley et Laura autour d'une pizza à l'entrée de la suite pittoresque que les filles ont loué à Wissembourg. Autour de 22h, je dis au revoir à ma fiancée pour la dernière fois, et, après un détour accidentel d'une vingtaine de minutes causés, disons, par des travaux sur la route, j'arrive chez mes tante et oncle Marguerite et Hubert qui m'hébergent pour la nuit.


C'est aujourd'hui qu'on se marie !

Il est 6h. Tout est calme dans la maison. Dans la pénombre de la chambre, j'enfile mon costume. Je mets la chemise que Marguerite a repassée pour moi hier soir. Les boutons de manchette et le gilet. Le nœud-papillon et le veston. Le pantalon avec ses multiples boutons. Les chaussures de cuir étroites et leurs lacets si fins. J'aime cette tenue. La tension entre élégance et confort. La lenteur et le soin qu'elle demande pour être mise. C'est étrangement familier, maintenant. Je me sens beau et bien dans cette armure souple, prêt à rencontrer cette journée immense.

Après quelques échanges légers autour d'un petit petit-déjeuner, je prends la route pour l'église. Il est encore tôt, les musiciens répètent et nous faisons les derniers réglages pour la projection avec Jonathan. Puis la déferlante des invités commence, et chaque vague me surprend autant qu'elle me régale à mesure que tous les mondes qui font ma vie se rassemblent dans ce lieu.

Plusieurs dizaines de nos amis ont parcouru le pays ou traversé un océan pour venir. Une soixantaine n'auraient pas pu venir du tout, sans la générosité de ceux qui ont accepté de faire un détour par notre café associatif à Strasbourg, transformé pour l'occasion en gare de covoiturage. D'autres ont fait un voyage plus compliqué encore, venus nous fêter malgré des blessures familiales profondes.

Pendant que j'embrasse frères et sœurs de tous horizons dans l'entrée de l'église, Elinor se prépare à quelques kilomètres de là. Peu à peu les bancs se remplissent et l'heure arrive.

Enfin, je suis chassé dans la petite salle alors que la voiture des Griffins s'arrête dans la cour. Une fois la mariée hors de vue, Lilasoa et Simon entonnent Anne's Theme sur leurs instruments, et je suis libéré pour ouvrir le cortège au bras de ma mère. Nous y voilà enfin.


Après le cortège et quelques mots d'introduction, nous avons chanté deux premiers chants. La louange était en Français, Turc, Anglais et Farsi afin d'honorer nos invités venus de nombreux pays. Puis nos témoins et amis nous ont présenté. On a beaucoup apprécié leurs mots, et beaucoup rigolé.

Mon père a lu un extrait du Petit Prince que nous avions choisi, puis le père d'Elinor a prié pour ouvrir le temps plus solonnel. Justin a partagé la prédication qu'il avait préparé en français, et la version anglaise était imprimée sur les feuillets.

Après deux autres chants de louange, Justin a invité les témoins à nous rejoindre afin que nous nous promettions devant tous amour, réconfort, honneur, soutien et fidélité à jamais, chacun dans la langue de l'autre. Puis Justin a invité l'assemblée à s'engager à nous soutenir dans ce mariage.

Ensuite c'était le moment de partager nos vœux.

Ma chère Elinor,

I have been blessed with countless gifts the past few years, but of all of them, you shine the brightest.

Your companionship has been a daily source of joy. I love your courageous heart, the tenderness you have for those around you, your deep playfulness, la façon dont tu m'embêtes parfois, your beautiful, beautiful eyes and most of all, your willingness to take up your cross and follow Christ wherever He will take you.

Thank you for loving me into who I am called to be, whether that means encouraging me, which you do so well, or challenging me. Your help is precious. I thank the Lord for your kind voice, your patience, your playful teasing, your loving embrace, your eagerness to forgive, your faith always renewed.

Tu as été my partner in crime, ma meilleure amie, ma chérie, ma fiancée. And so now, in the name of God, I, Elisée, take you, Elinor, to be my wife, to have and to hold from this day forward, for better for worse, for richer for poorer, in sickness and in health, to love and to cherish, until we are parted by death. This is my solemn vow.

Mon très cher Élisée,

Les mots me manquent, quelle que soit la langue, quand je pense à toi et au chemin que nous avons déjà parcouru ensemble. Je vois la douceur de ton amour changer ma vie et transformer mon cœur petit à petit, alors que tu me montres, encore et encore, à quoi ressemble l'amour fidèle et persévérant de Dieu. Merci de m'aimer de manière si sacrificielle, si courageuse, si douce mais directe…. Les derniers mois que nous avons passés ensemble ont été si riches et si profonds, parfois difficiles et donc magnifiques... te connaître, c'est voir la bonté, la vérité et la beauté du Seigneur à l'œuvre.

M’appuyant sur la grâce et la miséricorde de Dieu envers nous, avec son aide, je promets d'être une compagne fidèle pour tout le chemin à parcourir. I will walk with you in light and in darkness as we follow the Light of Life together - until the shadows disappear.

And so, au nom de Dieu, moi, Elinor, je te prends, Elisée, pour époux, pour te garder à partir de ce jour, pour le meilleur comme pour le pire, dans la richesse comme dans la pauvreté, dans la maladie comme dans la santé, pour t’aimer et te chérir jusqu’à ce que la mort nous sépare. Je m’y engage solennellement.

Nous avons échangé les alliances et nous sommes embrassés triomphalement 😳, puis Justin a prié pour la bénédiction de notre union avant un dernier chant.

Toutes les photos du mariageVidéo de la célébration

Après les photos de groupe, pendant que la foule se dirigeait vers la salle des fêtes à Seebach, nous avons fait quelques arrêts avec notre photographe pour profiter du magnifique paysage vigneron.

C'est l'heure de festoyer dans la salle des fêtes magnifiquement décorée aux côtés de nombreux amis. L'après-midi est ponctuée par des jeux, chants, quiz, souvenirs et autres activités introduits par nos animateurs Andrew et Thierry.

La nuit tombe, et nous ouvrons le bal sur Dancing in the Minefields. David vient réclamer sa fille pour une danse père-fille avant que le reste des invités ne nous rejoignent.

Quelle merveilleuse, merveilleuse journée ! Je suis rempli de reconnaissance et de joie d'avoir été unie devant Dieu à ma chère Elinor en présence de tant d'amis. Merci, merci, merci !!!


Quelques semaines se sont écoulées, nous sommes rentrés

de notre voyage de noces à Malte. C'était un chouette temps d'escapade, mais aussi le terrain de nos premières semaines vécues ensemble en continu, parfois délicates. Nous n'avons pas complètement récupéré des quatre mois de préparatifs sous tension, et nous voilà déjà dans notre nouveau quotidien... Le rythme est intense et tout est nouveau, à la maison comme au travail !

Les mois qui suivent sont plein de belles choses, mais se révèleront souvent difficiles. Coté travail, j'ai régulièrement la sensation d'être en retard sur différentes responsabilités, je lutte pour garder la tête hors de l'eau et je ne trouve pas d'énergie pour m'investir dans ma recherche de soutien : difficile d'inviter des gens à être partenaires de mon ministère quand je suis dépassé par mes propres engagements.

Jeunes mariés, nous apprenons à vivre ensemble. Nous aménageons doucement notre appartement, vivons notre premier Noël dans les cartons, organisons plusieurs repas de groupe et rencontrons de nouveaux amis via le café et l'église. Mais nos attentes et nos difficultés à chacun se heurtent encore et encore, et certains points sensibles deviennent des blessures à vif. Des plus petites choses du quotidien aux plus grandes questions de la vie, aussi préparés que nous soyons, il faut maintenant que deux pécheurs apprennent à se rencontrer et à s'aimer jour après jour.

Je suis reconnaissant car nous sommes bien entourés par les amis, pasteurs, frères et sœurs de notre église qui nous écoutent, prient pour nous et nous rappellent qui nous sommes vraiment. J'ai du mal à vivre ainsi, pris par l'anxiété et la peur, mais je veux le proclamer :

Je suis enfant de mon Père céleste qui m'aime,

et même dans la tempête, Il est en contrôle. Dans ce monde marqué par la mort, je peux me reposer sur Lui car Il est bon, bien au-delà de ma compréhension !

Je prie que l'année qui vient soit celle où j'apprends à déposer à la croix mon rêve d'autonomie, l'illusion que je peux subvenir à mes besoins par moi-même, afin de trouver refuge dans ma vraie identité d'enfant de Dieu, en toute dépendance. Que je puisse vivre par ces mots :

Ne vous inquiétez de rien, mais en toute chose faites connaître vos besoins à Dieu par des prières et des supplications, dans une attitude de reconnaissance. — Lettre de Paul aux Philippiens, 4:6-7

Je te laisse cher ami,

avec une série de joyeux souvenirs en photos. Merci d'avoir lu ma lettre ! Avec tout ce qui s'est passé, j'ai parfois dû décliner à contrecœur au cours de l'année passée, mais si tu veux passer un moment ensemble autour d'un verre, fais-moi signe.

— Elisée, août 2024